Apport de la Technologie LiDAR dans la Modélisation du Microclimat Forestier

Le microclimat forestier, késako ? Tu (oui, toi lecteur/lectrice) t’es surement aventuré(e) en forêt au moins une fois dans ta vie. Rassures-moi, c’est bien le cas ? Sinon tu as vraiment raté(e) quelque chose. La plupart des gens qui se baladent en forêt de nos jours y vont pour y chercher (c’est plus marrant de chercher que de trouver, crois-moi, j’en sais quelque chose) le calme, l’inspiration, un contact avec Dame Nature [dès que l’aurore darde ses rayons d’argent à travers les écharpes de brume, ndlr], des sensations fortes (de nuit ça marche plutôt bien), des champignons (c’est bon ça) ou bien tout simplement de la fraicheur par une belle journée estivale. Nous y voilà, tu l’auras compris, quoi de mieux que l’ombre de nos grands arbres en été pour perdre quelques degré Celsius pendant la journée. Oui, mais par rapport à quoi ? Eh bien ! par rapport à la température dite extérieure (cf. température synoptique dans le jargon des climatologues et météorologues, attention ce ne sont pas forcément les mêmes). Pendant la nuit, c’est l’inverse, il fait plus frais à l’extérieure qu’à l’intérieure de la forêt, en été.

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Ambiance forestière (Creuse de la Terre Rouge, Gercy, Aisne).

Bref, le microclimat forestier permet de “tamponner” les fluctuations de la température extérieure, que ce soit pendant la journée ou bien au fil des saisons. C’est un peu comme l’isolation d’une maison (quand ça marche bien), plus frais dedans que dehors en été/journée et plus chaud dedans que dehors en hiver/nuitée. Tu vas me dire “Ok, mais à quoi cela peut bien servir ?”. Eh bien ! outre le fait que nos forêts nous apportent l’oxygène pour respirer (tu seras d’accord avec moi pour dire que c’est plutôt utile comme fonction), tu comprends bien que ces îlots de verdure (parcs arborés en ville) jouent également un rôle important dans la régulation de la température ressentie localement. Donc, tu me vois venir avec mes gros sabots, si il est difficile d’agir directement sur le climat global pour inverser la courbe du réchauffement, ont peut néanmoins apprendre à mieux gérer la trame verte (bois, forêts, haies, parcs et jardins) et sa distribution au sein de nos paysages très anthropisés pour améliorer nos conditions de vie et celles des organismes vivants qui y trouvent refuge. Pour cela, encore faudrait-il que l’on soit capable de bien comprendre le microclimat forestier pour bien le modéliser.

Le microclimat en forêt est une chose étudiée depuis longue date (Chen et al., 1999) mais qui reste pourtant encore méconnue puisque nous ne sommes toujours pas capable de le modéliser. Tu vas me dire “Attends, il existe pourtant bien des modèles pour prévoir les conditions atmosphériques et les scénarios climatiques du futur ?”. Exact Watson, mais ces derniers, dits de circulation générale, modélisent la température dite synoptique à une résolution spatiale très grossière et pas les conditions microclimatiques observées sous couvert forestier. Pour cela, il est nécessaire d’avoir des informations très précises sur la densité d’arbre, la hauteur de ces derniers et la structure verticale du couvert. En gros, beaucoup de données biométriques. C’est là qu’intervient la technologie LiDAR. Je sais, je te vois venir “Mais qu’est ce que c’est que ce truc encore ?”. Le LiDAR pour “light detection and ranging” est une technologie de télédétection par laser qui est donc basée sur l’analyse, par un récepteur, des propriétés d’un faisceau de lumière renvoyé vers son émetteur. C’est le même principe que pour le radar ou le sonar mais basé sur des ondes lumineuses (spectre visible, infrarouge ou ultraviolet), plutôt que sur des ondes radio ou sonores. Ce genre de technologie est très utilisée aujourd’hui, de manière aéroporté ou en station totale au sol (voir la photo ci-dessous à titre d’exemple), pour constituer des modèles numériques en 3D du bâti, de la ressource bois (par exemple) ou bien même de scenes de crimes. C’est beau la technologie. Certains parlent de réalité augmenté.

Relevé sur le terrain (Creuse de le Terre Rouge, Gercy, Aisne) à l’aide d’un LiDAR terrestre. Relevé réalisé par Guillaume Caron, Emilie Gallet-Moron et Jonathan Lenoir.

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Coupe transversale dans une image issue d’un scan de LiDAR terrestre réalisé au sein de la Creuse de la Terre Rouge (Gercy, Aisne). Voir photo précédente pour un exemple de relevé de LiDAR terrestre sur le terrain. Coupe réalisée par Guillaume Caron.

Au cours d’une étude récente en collaboration avec Tarek Hattab (post-doctorant au sein de notre équipe de recherche à l’Université de Picardie Jules Verne) et Guillaume Pierre (Professeur en Géographie à l’Université de Reims Champagne-Ardenne), nous avons proposé un cadre de modélisation du microclimat forestier permettant justement d’intégrer les informations issues d’images LiDAR, et notamment l’information de densité du couvert arboré. Nos travaux ont récemment été publié dans la revue Ecography et ont fait l’objet d’un prix (E4 Award) remis par les éditeurs de la revue. Bizarrement, ce sont ces mêmes travaux qui ont été primés que j’ai maintes et maintes fois essayés de vendre à plusieurs agences de financement pour la recherche, dans le cadre de réponse à des appels à projets de recherche. Malheureusement, aucune de ces agences et pas même l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) ne fût intéressée. Désolé pour cette petite parenthèse plaintive, mais c’est plus fort que moi.

Je ne rentrerais pas dans les détails techniques de ce cadre de modélisation, détails que tu trouveras ici dans l’article rédigé en anglais (hésites pas à me laisser un message si tu n’as pas accès au PDF de la revue et que cela t’intéresses), mais les intérêts sont multiples, notamment en écologie. Le principal atout étant de disposer de données plus précises sur les conditions microclimatiques locales pour ensuite mieux informer les modèles de redistribution du vivant qui se basent tous, pour l’instant, sur des simulations issues de modèles de circulation générale qui ne tiennent pas compte de la finesse du microclimat.

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Langue de cerf ou Scolopendre officinale, une fougère typique des fonds de vallons frais tel que celui de la Creuse de la Terre Rouge (Gercy, Aisne).

The Climatic Debt Explained

I guess some of you may wonder: what the hell is the climatic debt? Well, in ecology, this term is used to refer to communities of living organisms being in a state of disequilibrium with climate (cf. the equilibrium between community composition and climatic conditions has been disrupted). This is best illustrated by time-lagged response of living organisms to climate change. The inertia of long-lived organisms such as trees or perennial plants after a climate-forcing event makes forest ecosystems particularly prone to the climatic debt.

In a recent paper led by Romain Bertrand, we found that the magnitude of the disequilibrium with climate, aka climatic debt, in understory plant communities across the French forests (see map) increases with the severity of baseline temperature conditions, the exposure to climate warming and species thermal tolerance.

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I’m really proud to write these few lines, not only because this is an important result (sorry I might be biased here) but mostly because it is always inspiring, rewarding and cool to work with a good buddy on a fun topic. Romain and I discussed this idea of “explaining the climatic debt” a very long time ago. It all started in 2011, few days after Romain’s original work on the assessment of the climatic debt in french forests’ understory plant communities was published. Well, we were not smart enough to use the fancy “climatic debt” at that time but reported it as “biotic responses lagging behind climate change” instead. Anyway, the thing is that we received a thorough (and inspiring) commentary from Pieter De Frenne and his colleagues arguing that the climatic debt we found in understory plant communities of temperate deciduous forests could be the result of changes in forest management practices. The reasoning behind this argument being that the abandonment of coppicing (a traditional sylvicultural practice in Europe: see picture below) and the subsequent natural succession towards mature close forests may provide microclimatic conditions that buffer understory plant communities against macroclimate warming. This is indeed a very important hypothesis and you can learn more on the potential importance of microclimate as a moderator of plant responses to macroclimate warming by reading the excellent paper written by Pieter De Frenne and his team. Although neither their commentary nor our reply was published, this was a fruitful discussion that has generated new and exiting findings.

The seminal analyses that we provided five years ago in our reply to the commentary just involved the respective impacts of macroclimate warming and changes in understory light conditions on the magnitude of the climatic debt and demonstrated that changes in understory light conditions had a minor impact on the climatic debt, as it is also the case in the now published paper. It would have been a shame to stop there given the efforts made to provide a convincing reply (we might have been too much convincing on this). So, we elaborated a list of the potential drivers involved in the climatic debt that we observed in understory forest plant communities. In that respect, Romain went far beyond our initial list and provided a very comprehensive (23 explanatory variables) analysis of the potential determinants of the climatic debt not only involving environmental (i.e. baseline conditions and exposure to environmental changes) and anthropogenic (e.g. sylvicultural practices, land-use changes, habitat fragmentation) constraints but also plant traits and characteristics involved in persistence (e.g. species’ life span and thermal tolerance) and migration (e.g. species’ dispersal limitation) mechanisms.

Although we expected climate-change exposure to be an important determinant (plants are more likely to lag behind climate change in locations where the magnitude of the change is the highest), we were very surprised to find that both baseline temperature conditions and species’ intrinsic ability to tolerate water and thermal stresses outweigh the impact of climate-change exposure. Warmer baseline conditions (cf. lowland forests at low latitudes) contribute to a high climatic debt and yet these ecosystems are usually given less priority than cold ecosystems (e.g. mountains) in conservation biology. Similarly, species’ persistence mechanisms as a response to climate change have been neglected so far due to the strong emphasis on migration mechanisms involved in climate-driven range shifts that are particularly pronounced along the elevation gradient where short distances between isotherms allow plants to move upslope. And yet, both lowland ecosystems and persistence mechanisms are very important to consider, especially so for forest plant which dispersal abilities are very limited. Consequently and importantly, persistence mechanisms outweigh migration mechanisms in explaining the climatic debt in forest ecosystems. We also note that lowland ecosystems and warm climates in general are richer in stress-tolerant plants, which could be a reason why warmer climates are more likely to harbour plant communities lagging behind climate change.

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Carpet of flowering bluebells (Hyacinthoides non-scripts) in a coppice dominated by beech (Fagus slvatica) and hornbeam (Carpinus betulus) (Vadencourt Wood, 80560 Contay, France). Due to its wide climatic-niche breadth and its affinity for moist and buffered microhabitats, bluebells likely contribute to increase the climatic debt in the understory (Photo: J. Lenoir).

Unfortunately, plants can only tolerate a limited amount of change in temperature conditions and future climate change projections suggest temperature increases that may go far beyond the thermal tolerance of plants, thus initiating local extirpation events with potential cascading effects for living organisms relying on these habitat-forming species.